Résumé du livre de Marie-France Hirigoyen, « Le harcèlement moral »
« Qu’ai-je fait pour mériter un tel châtiment ? ». « Un mot qui vient bien, peut tuer ou humilier, sans qu’on se salisse les mains. Une des grandes joies de la vie, c’est d’humilier ses semblables » Pierre Desproges.
La violence perverse au quotidien
Cela commence par un simple manque de respect, un mensonge… Les détails pris séparément paraissent anodins alors que la victime est déjà entraînée dans un jeu mortifère sans s’en rendre compte et que le pervers donne parfaitement le change. Notre société est aveugle devant cette forme de violence. Par des paroles, allusions, non-dits, il est possible de détruire quelqu’un sans que l’entourage se manifeste. La perversion est tolérée.
- La violence privée dans le couple et dans la famille
Le processus se met en place sur des mois ou des années… L’individu narcissique met en place son emprise de manière à paralyser sa partenaire en la laissant dans une position floue pour éviter de s’engager, en la maintenant à bonne distance, à disposition. Ce dispositif est rendu possible par la trop grande tolérance du partenaire dont l’origine se retrouve bien souvent dans une loyauté familiale qui consiste à reproduire ce qu’un parent a vécu ou dans l’acceptation d’un rôle de personne réparatrice pour le narcissisme de l’autre, une sorte de mission où elle aurait à se sacrifier.
Le refus de la responsabilité d’un échec conjugal est souvent à l’origine de la bascule perverse. Un pervers qui doit faire le choix entre sa relation et une nouvelle rencontre ne peut supporter la responsabilité de cet échec que l’autre doit entièrement porter. Pas de reproches directs mais des insinuations, pas de combats mais pas de réconciliation possible, regards de haine. La victime angoisse, a honte, trouve des circonstances atténuantes, « répare »… Le pervers redouble de hargne. La victime prend l’initiative de la rupture et devient responsable et coupable de l’échec du couple. De plus, pour pouvoir idéaliser son nouvel amour, le pervers le bâtira sur la haine du partenaire précédent.
Lorsque sa proie lui échappe, le pervers poursuit sa violence à travers tous les liens relationnels qui peuvent exister, y compris les enfants. Tout se passe comme si pour ne pas devoir se haïr soi-même, le pervers devait écouler sa haine sur l’autre. C’est le harcèlement, le Stalking. La victime n’arrive pas à croire qu’on puisse la haïr à ce point. Elle n’a qu’un seul recours, la loi, que l’agresseur sait parfaitement utiliser, étant donné sa structure paranoïaque, et qu’il utilise pour garder une apparence de légitimité.
Le pervers utilise comme arme le refus de la communication directe, pas de témoins d’une telle malveillance gratuite. Le pervers ne lâche jamais sa proie, sa haine ne s’arrêtera jamais. Il n’aura aucun scrupule. Toute sa famille en pâtira.
- Le harcèlement dans l’entreprise
Le pervers a enlevé tout sens critique à sa victime, la surveille, ne lui dit rien, se soustrait au dialogue pour aggraver le conflit en le portant au crédit de l’autre, discrédite, insinue, isole, pousse à la faute… Soupirs, regards excédés, mots à double sens,… La dévalorisation de la personne est cautionnée par le groupe qui pense que la victime a bien mérité ce qui lui arrive… le harcèlement redouble.
Les pervers ont un don pour pousser l’autre au-delà de ses limites. L’unique façon de mettre fin à la psychoterreur est de porter plainte.
La relation perverse et les protagonistes
- La séduction perverse
La relation perverse connaît deux étapes : la séduction ensuite la violence. La première phase pourrait être appelée phase de « décervelage ». Le pervers narcissique commence par séduire, cherche à fasciner sans se laisser prendre, incorpore dans le but de détruire. C’est la phase d’arnaque morale pendant laquelle le pervers tisse sa toile alors que la victime ne se rend pas encore compte qu’il y a effraction, action d’appropriation par dépossession de l’autre, action de domination et de mise en dépendance. Lorsque la victime prend conscience qu’elle est empêchée de réagir, elle est déjà complice de l’opprimeur. La victime obéit pour faire plaisir et ensuite pour « réparer » puisque le partenaire a l’air malheureux… Elle suscite alors la haine et le sadisme du pervers qui ne sont pas apparents pour des observateurs extérieurs. La victime perd de sa spontanéité, s’isole, et son entourage est entraîné dans un jugement négatif de la victime.
- La communication perverse
- Pas de communication directe. Le pervers élude.
- Déformation du langage. Seule compte la menace, pas les mots.
- Mauvaise foi stupéfiante. Double langage.
- L’art de duper en donnant l’apparence contraire de ce que l’on est pour augmenter les chances de victoires. Dans la phase de destruction, le mensonge devient direct, le pervers s’y accroche et finit par convaincre l’autre.
- Cacher pour montrer sans rien dire.
- Maniement du sarcasme, de la dérision, du mépris.
- L’art du paradoxe entre dire et faire, entre les mots et le ton.
- Toutes les propositions que peut faire le partenaire sont inappropriées.
- Culpabiliser, disqualifier.
- Diviser pour mieux régner.
- Imposer son pouvoir, donner l’impression de détenir la vérité.
- La violence perverse
Un déclic extérieur a fait prendre conscience à la victime que ça suffit. Soit elle a vu le pervers s’acharner sur quelqu’un d’autre, soit le pervers accentue la violence parce qu’il a trouvé un autre partenaire. L’agresseur voit sa victime lui échapper. Il panique et devient furieux. L’autre est un objet dangereux dont il faut se débarrasser par n’importe quel moyen. Il se déchaîne. Résister à l’emprise, c’est s’exposer à la haine du pervers.
La violence est froide, verbale, à perpétuité et sans pause, irréversible. Et il n’y a aucune preuve. L’autre est acculé. Le pervers cherche à entraîner les autres dans leur registre et réalise une propagande pour démontrer à l’entourage à quel point l’agressé est mauvais. Ne pas emmener les autres dans le registre de la violence est un échec pour un pervers : c’est donc le seul moyen d’enrayer la propagation du processus pervers.
- L’agresseur
Le pervers utilise et détruit sans aucune culpabilité. Il ne se construit qu’en assouvissant ses pulsions destructrices. Il se maintient ainsi en vie. Il fait mal parce qu’il ne peut pas faire autrement pour exister.
Il est narcissique : sens grandiose de sa propre importance, absorbé par des fantaisies du succès illimité, pense être spécial, besoin excessif d’être admiré, pense que tout lui est dû, exploite et envie les autres, manque d’empathie, est arrogant, sentiments dispersés, réactions dépressives, ignore les sentiments de tristesse et de deuil et ne souffre pas.
Un Narcisse est quelqu’un qui croit se trouver en se regardant dans le miroir et qui passe sa vie à chercher son reflet dans le regard des autres. C’est une coque vide qui cherche à faire illusion pour masquer son vide, qui n’a pas d’existence propre. Comme un kaléidoscope, le jeu de miroir a beau se répéter, cet individu reste construit sur du vide. Le Narcisse se branche sur l’autre et essaie d’aspirer sa vie. Le dérèglement sexuel et la méchanceté ne sont que les conséquences inéluctables de cette structure vide. Les déceptions entraînent chez eux un désir insatiable de revanche sans jamais éprouver la moindre sollicitude ou de compassion pour la souffrance de l’autre.
Le pervers vampirise l’autre en envahissant son territoire psychique. D’où sa haine pour une personnalité maternelle dont il ne dispose pas d’un début de substance. Le pervers envie intensément ceux qui semblent posséder quelque chose qu’ils n’ont pas. Incapables de se réaliser par eux-mêmes, ils veulent des partenaires qui leur permettent d’accéder au pouvoir. L’envie est leur moteur, leur but est l’appropriation. L’envieux regrette de voir l’autre posséder des biens matériels ou moraux mais il est plus désireux de les détruire que de les acquérir !… s’il les détenait, il ne saurait pas quoi en faire ! La victime apporte énormément mais ce n’est jamais assez et il le fera payer. Jamais responsable, jamais coupable. Il est parano : hypertrophie du moi, psychorigide, méfiant, faux jugement.
- La victime
Pour les témoins, tout se passe comme si une victime innocente ne pouvait pas exister. Elle a été choisie parce qu’elle était là, parce que le pervers a su utiliser ses failles. Elle ne pouvait pas prévoir ni s’adapter à la violence perverse de son agresseur. Elle est restée car elle est réparatrice et s’est dit qu’avec elle, il allait changer. Elle se serait sentie coupable de l’abandonner. La vitalité de la victime est grande et c’est à elle que le pervers s’en prend : la cible est loin d’être une personne faible et c’est justement sa capacité à résister à l’autorité qui en fait une cible de choix assez “excitante”. Souvent elles donnent trop à voir de leurs biens matériels et/ou moraux, ce qui excite l’envie du pervers. Les victimes sont transparentes. Quand elles commencent à nommer ce qu’elles ont compris, elles deviennent dangereuses et il faut les faire taire par la terreur.
Conséquences pour la victime et prise en charge
8/9. Conséquences de la phase d’emprise
. Le désistement de la victime qui voit qu’il n’y a pas de négociation possible
. La confusion : la victime n’ose se plaindre, elle est confuse
. Le doute : la victime ne peut pas encore croire ce qui lui arrive.
. Le stress
. La peur qui la rend de plus en plus gentille et qui lui fait tout accepter
. L’isolement et la honte
. La maladie ou la séparation
- Conseils
. La loi est le seul recours. Face à un pervers, on ne gagne jamais.
. Cesser de se justifier
. Agir sans peur du conflit
. Se faire assister psychologiquement
. Chercher à s’en sortir immédiatement avant de comprendre le pourquoi
L’imagination humaine est sans limite quand il s’agit de tuer chez l’autre la bonne image qu’il a de lui-même : on masque ainsi ses propres faiblesses et on se met en position de supériorité. Dans notre système de la loi du plus fort, les pervers sont rois. A trop accepter, les victimes laissent les pervers se profiler. Si cette perversion n’est pas dénoncée, elle se répand de façon souterraine par l’intimidation, la peur au travers du mensonge. Les pervers narcissiques s’arrangent pour porter au crédit des autres le désastre qu’ils déclenchent afin de prendre le pouvoir sans scrupule. Comment rétablir le respect entre les individus ?
Laurence de Vestel – Aout 2018 – ©Oltome.com
« Le harcèlement moral« , encore un livre sur lequel on ne tombe pas tout à fait par hasard ! Marie Hirigoyen se penche sur le sujet avec infiniment d’intelligence et de savoir-faire. Nul doute, elle sait de quoi elle parle. C’est grâce à elle qu’aujourd’hui les victimes d’harcèlement moral sont enfin entendues et reconnues dans leur souffrance. Très bon livre, très professionnel à la portée de tous et toutes.
« Qu’ai-je fait pour mériter un tel châtiment ? ».
« Un mot qui vient bien, peut tuer ou humilier, sans qu’on se salisse les mains. Une des grandes joies de la vie, c’est d’humilier ses semblables » Pierre Desproges.
Le harcèlement moral
L’imagination humaine est sans limite quand il s’agit de tuer chez l’autre la bonne image qu’il a de lui-même. On masque ainsi ses propres faiblesses et on se met en position de supériorité. Dans notre système de la loi du plus fort, les pervers sont rois. A trop accepter, les victimes laissent les pervers se profiler. Si cette perversion n’est pas dénoncée, elle se répand de façon souterraine par l’intimidation, la peur au travers du mensonge. Les pervers narcissiques s’arrangent pour porter au crédit des autres le désastre qu’ils déclenchent afin de prendre le pouvoir sans scrupule. Comment rétablir le respect entre les individus ?