"Si vous possédez une bibliothèque et un jardin, vous avez tout ce qu'il vous faut." Ciceron

La lumière dans les ténèbres

Synthèse & résumé À propos du livre Biographie de l'auteur

Résumé du livre de Jacques Lusseyran « La lumière dans les ténèbres »

 
 
« J’ai vu avec mes yeux jusqu’à l’âge de huit ans et depuis plus de vingt ans, je suis entièrement aveugle. Cette expérience, je sais qu’elle est mon plus grand bonheur ».
Un regard sur le nouveau monde
La vue est un outil très précieux et les aveugles font une perte grave. Cependant, elle n’est qu’un outil et, par conséquent elle peut être remplacée. Chaque sens peut venir prendre la place d’un autre s’il est utilisé dans sa plénitude.
La vue préfère les apparences. Pensons aux ravages que font nos jugements, le vêtement, la coiffure, le sourire d’une personne. De ce vêtement, de ce sourire, naissent la plupart de nos amours, de nos haines, de nos opinions. Ce jeu pour paraître occupe un temps précieux de notre vie. Cependant d’où vient que nos yeux qui voient se ferment à demi et deviennent intérieurs pour réfléchir, se concentrer, se reprendre comme pour se défendre de la vue. Ce fait est comme pour se mettre en garde contre l’illusion majeure de la toute puissance des formes.
Un aveugle privé du bénéfice des yeux mesure à la fois sa perte et son gain. Il n’y a pas de perte. Tout est remplacé et tout continue. Cesser de voir avec les yeux, ce n’est pas entrer dans un monde sans lumière. « A l’instant où j’ai perdu la vue, j’ai retrouvé la lumière intacte au fond de moi.  Cette lumière que je continuais de voir sans mes yeux, c’était la même qu’autrefois. Mais j’étais plus proche de sa source. Elle enveloppait d’une seule prise le monde extérieur et moi-même. Je ne pouvais pas dire qu’elle venait du dehors et je ne pouvais pas dire davantage qu’elle venait de l’intérieur de moi. Elle embrasse l’existence entière, efface les divisions que l’habitude nous a imposées. »
« J’avais appris, en devenant aveugle, qu’il existait un espace intérieur qui changeait de proportions selon mes états psychiques. La tristesse, la haine ou la peur n’assombrissaient pas seulement mon univers, mais elles le rapetissaient. Je me heurtais partout. Etres et choses devenaient des obstacles à l’intérieur et à l’extérieur. Inversement, le courage, l’attention, la joie avaient pour conséquence immédiate un éclatement de l’espace. Je devenais habile, je me dirigeais. Il y avait deux mouvements : ou bien refuser le monde et c’était l’obscurité, les chocs, ou bien l’accepter et c’était la lumière et la force. » La cécité rappelle le despotisme de la vue et nous rend prudents envers la perception courante.
La perte de la vue produit une compensation et oblige à être attentif. Un homme vraiment attentif connaît tout. Les aveugles voient à leur manière. C’est un fait qui entraîne autant de risques et de devoirs que la vue pour ceux qui possèdent leurs yeux.
L’aveugle dans la société
Ce qu’un homme a découvert dans sa vie peut enrichir la vie des autres. « En devenant aveugle, j’ai découvert que la lumière était là, intacte. La lumière est là où se trouve la vie : à l’intérieur de nous. Le seul moyen pour pouvoir regarder la lumière intérieure c’est d’aimer.   Si j’étais pris de chagrin ou de colère, la lumière diminuait. » Seuls venaient à moi ceux qui étaient capables de générosité et de compréhension. Ils m’aidaient à mieux voir et moi je leur apprenais à mieux voir ». La cécité oblige à développer l’attention. L’univers est fait de pressions, de pesées et les aveugles entrent dans la connaissance directe de ce monde.
En 1943, Jacques Lusseyran s’est trouvé membre du Comité Directeur Clandestin du Mouvement et responsable national de la diffusion d’un journal qui tirait à 250.000 exemplaires.   Arrêté puis expédié par la Gestapo en 1944 à Buchenwald avec 2000 autres français, il a été libéré en 1945 avec seulement 30 autres survivants. « Un miracle… je n’hésite pas à le dire : c’est à la cécité que je dois d’avoir tenu. J’avais trouvé le moyen de me rendre utile à la communauté en m’étant fait interprète… Je n’ai plus été un infirme. Je savais par expérience que si la lumière m’était enlevée, je pouvais la faire renaître en moi. Je savais que si l’amour m’était enlevé, je pouvais à nouveau faire jaillir sa source en moi. Je savais même que si la vie vous est contestée, il est possible d’en retrouver la source au fond de moi. Chaque fois que les spectacles et les épreuves du camp devenaient intolérables, je me fermais pour quelques minutes au monde extérieur. Je gagnais ce refuge où pas un kapo nazi ne pouvait m’atteindre. Comment voudriez-vous que je nomme encore « malheur » l’accident qui m’a fait ce cadeau ! »
Le sort de la communauté des aveugles est celui de toutes les minorités qui ne sont presque jamais comprises. Pourtant, la cécité fait connaître un autre espace physique, celui où les mouvements de l’esprit et de l’âme se font. Un enseignant aveugle ne se préoccupe pas des mouvements des bras et des jambes des élèves, de leur mine distraite ou préoccupée. Un aveugle sait mieux que personne interpréter un silence. Un aveugle reste voyant à sa façon.
 
Contre la pollution du moi
L’ennemi n’est pas toujours la guerre à l’autre bout du monde. La guerre fait rage aussi au-dedans de nous. La terre n’est que le champ visible de notre existence. Notre espace intérieur, notre moi, dont les nouvelles du matin ne parlent jamais est aussi un domaine à gérer. Il existe deux niveaux du moi : les vêtements (l’ego) et la personne (le moi). Nous ne parlons que de notre ego, celui qui nous sépare les uns des autres, celui dont tout le monde s’occupe. Le moi est fragile. Il est si peu de chose qu’un rien suffirait pour nous l’ôter. Il est cette impulsion qui me permet de me servir des éléments de la terre, de mon intelligence, de mes émotions et de mes rêves. « Il est la richesse au milieu de la pauvreté. Il est l’intérêt quand tout autour de nous s’ennuie. El est l’espérance quand toutes les chances objectives d’espérer ont disparu. C’est de lui que provient toute l’invention des hommes. C’est ce qui nous est quand tout nous est retiré. »
« Faites l’exercice… Arrêtons-nous deux minutes avant le coucher et demandons-nous ce que constituent nos contenants. Parcourez votre espace intérieur et regardez quels objets sont là et où ils sont… Nous allons trouver un grouillement d’images et de sons… Ces morceaux d’images et de sons sont-ils à moi ? C’est peu probable… Les images seront celles de la TV, des pancartes, des paquets de lessive, des sons de radios ou de téléphones, de bavardages… Je découvre alors que mon espace intérieur n’est plus à moi. Je deviens, tel un cimetière de voitures, un cimetière de mots, cris, geste, recettes cent fois répétées et dont personne ne veut… Le monde extérieur a semé ses détritus partout. »
Les jeunes ont besoin de libérer leur élan personnel vers l’amour d’autrui et vers la joie que tout soit vivant. Il n’est pas facile d’avoir un moi. Les drogues nous comblent et puis nous vident. Elles nous emmènent vers des terre étranges et lointaines et une fois le voyage terminé, nous ne pouvons plus décrire et n’y emmener qui que ce soit… La cause est simple : nous ne nous y étions pas emmenés nous-mêmes, nous avions laissé notre moi derrière nous. La drogue chasse le moi du refuge des émotions. Nous demandons à des forces autres que les nôtres de nous éloigner de la tristesse et d’augmenter la joie. La pollution du moi est plus rapide que celle de la terre. A Buchenwald, la plupart des hommes mourraient par défaut du moi ou par arrêt du moi. Sans leur titre, leur vêtement, leur apparence, ils n’étaient plus rien. Notre moi en nous n’est pas fort et c’est pourquoi il ne faut pas en abdiquer la moindre parcelle. Le travail du moi est le travail le plus chargé d’espérance.
 
La mort devient la vie
« Une image de moi-même se formait devant mes yeux. Une sphère lumineuse : j’étais au centre. Dans la lumière, à l’intérieur de moi, le silence, à l’extérieur dans l’ombre, le bruit. Mes souvenirs s’étaient jetés dans l’ombre extérieure. Séparés de moi dansaient de petits êtres tristes agités de querelles et de regrets. Ils détestaient la vie. Au centre de la lumière il n’était plus qu’une grande présence d’un espace. Dans cet espace, mes amis, mes parents étaient là vraiment, rien d’eux ne cherchait à me fuir. Le bonheur venait d’eux. Mes craintes partirent. L’obscurité les aspirait à leur tour. Il me sembla que j’étais nu en un seul point de la prairie et n’éprouvais que le point central de mon être. Ma pensée était libre. Il en résultait une sensation de puissance entière, une force et une volonté… Je ne m’étais jamais senti si proche de mon existence. Je n’étais donc plus seul. J’étais en face de moi-même sans autre désir que celui de rester où j’étais. La colonne de lumière qui montait au centre de moi était un être vivant et ma lumière était faite d’un amour bien plus ancien que moi. C’était un ami absolu que beaucoup d’hommes appelaient aussi Jésus et pour moi aussi, c’était son nom. Il était la vie en moi qui ne pouvait pas finir.»
« Un jour, il me sembla qu’on m’adressait la parole. On me disait que j’allais mourir. Je fis un grand effort pour m’éloigner de la voix, pour la regarder en souriant et pour dire, tout au fond de moi : mais je suis heureux ! Mourir, était un mot que ma conscience ignorait, tout simplement dont le sens lui semblait improbable et tout à fait inutile. Elle ne voyait en elle, autour d’elle que la vie ».
Epilogue
« Un homme entièrement attentif connaîtrait entièrement l’univers. Dans la perception d’un homme attentif, la réalité se livre : des pans entiers se détachent sous la seule pression de la main, sous un seul regard. Mais la main n’est alors, et le regard, n’est lui-même qu’un instrument. C’est toujours au-dedans de nous que la connaissance a lieu, dans cet endroit où nous sommes reliés à toutes choses créées. La paix intérieure, c’est cela l’attention, un état de communication universelle, un état de réunion. L’attention révèle cette absolue préexistence de toutes les parties du monde en moi. »
 
Laurence de Vestel ©Oltome.com 2012

« La lumière dans les ténèbres – Contre la pollution du moi », retrace la vie de Jacques Lusseyran.  Un récit splendide et magnifiquement écrit qui nous fait entrer dans le monde des aveugles et comprendre leur monde…  Très vivement conseillé !!!
En 1943, Jacques Lusseyran s’est trouvé membre du Comité Directeur Clandestin du Mouvement et responsable national de la diffusion d’un journal qui tirait à 250.000 exemplaires. Arrêté puis expédié par la Gestapo en 1944 à Buchenwald avec 2000 autres français, il a été libéré en 1945 avec seulement 30 autres survivants.
« Un miracle… je n’hésite pas à le dire.  C’est à la cécité que je dois d’avoir tenu. J’avais trouvé le moyen de me rendre utile à la communauté en m’étant fait interprète.   Je n’ai plus été un infirme. Je savais par expérience que si la lumière m’était enlevée, je pouvais la faire renaître en moi. Je savais que si l’amour m’était enlevé, je pouvais à nouveau faire jaillir sa source en moi. Je savais même que si la vie vous est contestée, il est possible d’en retrouver la source au fond de moi. Chaque fois que les spectacles et les épreuves du camp devenaient intolérables, je me fermais pour quelques minutes au monde extérieur. Je gagnais ce refuge où pas un kapo nazi ne pouvait m’atteindre. Comment voudriez-vous que je nomme encore « malheur » l’accident qui m’a fait ce cadeau ! »

Oltome - Jacques Lusseyran biographie Jacques Lusseyran est né en 1924 et décédé en 1971 en France.  Aveugle depuis l'âgée 8 ans, il a été néammoins grand résistant français. En 1943, Jacques Lusseyran s’est trouvé membre du Comité Directeur Clandestin du Mouvement et responsable national de la diffusion d’un journal qui tirait à 250.000 exemplaires. Arrêté puis expédié par la Gestapo en 1944 à Buchenwald avec 2000 autres français, il a été libéré en 1945 avec seulement 30 autres survivants. « Un miracle… je n’hésite pas à le dire : c’est à la cécité que je dois d’avoir tenu. J’avais trouvé le moyen de me rendre utile à la communauté en m’étant fait interprète… Je n’ai plus été un infirme. Je savais par expérience que si la lumière m’était enlevée, je pouvais la faire renaître en moi. Je savais que si l’amour m’était enlevé, je pouvais à nouveau faire jaillir sa source en moi. Je savais même que si la vie vous est contestée, il est possible d’en retrouver la source au fond de moi. Chaque fois que les spectacles et les épreuves du camp devenaient intolérables, je me fermais pour quelques minutes au monde extérieur. Je gagnais ce refuge où pas un kapo nazi ne pouvait m’atteindre. Comment voudriez-vous que je nomme encore « malheur » l’accident qui m’a fait ce cadeau ! » Son livre autobiographie "De la lumière dans les ténèbres" rassemble trois conférences faites par Jacques Lusseyran en 1971. « Un regard nouveau sur le monde », « L’aveugle dans la société », et « Contre la pollution du Moi ». Il se termine par le texte bouleversant « Et la mort devient la vie » où Lusseyran décrit l’expérience de la mort qu’il fit au camp de concentration de Buchenwald en 1945.
Elephant Oltome

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