"Si vous possédez une bibliothèque et un jardin, vous avez tout ce qu'il vous faut." Ciceron

L’assise et la marche

Synthèse & résumé À propos du livre Biographie de l'auteur

RESUME DU LIVRE DE JEAN-YVES LELOUP : « L’ASSISE ET LA MARCHE »

PARTIE I : LE MOUVEMENT ET LE REPOS

 
« Assieds-toi et va » ! Deux paroles à tenir ensemble si nous voulons éviter les impasses de l’enfermement et de la dispersion. « Va » pour ne pas s’enfermer ni s’arrêter à ce qui nous fascine où nous aliène. « Assieds-toi » pour ne pas se disperser ni se perdre dans nos élans ou nos désirs. Deux pratiques complémentaires face à l’existence.

 

1. L’assise et la marche

Il y a une demeure, une assise, de laquelle nous nous serions éloignés, exilés ou chassés, ou que nous aurions oubliée. Et un chemin, une marche, le retour vers cette demeure avec les étapes, les épreuves, les rencontres que cela suppose. C’est un schéma universel et innombrables sont les itinéraires qui décrivent le retour de l’homme au pays ou le retour de l’âme à Dieu.
 

2. Méditation : exercice thérapeutique et philosophique

Si la méditation est pour nous un exercice thérapeutique, nous avons au moins quatre bonnes raisons de méditer.

  1. Pour souffrir ou pour vivre autrement de souffrance, être plus vivant
  2. Être moins agité, et plus conscient
  3. Retrouver l’usage de sa conscience pour être libre, moins aliéné
  4. Être plus aimant et moins dans la peur et l’agression.

L’exercice thérapeutique peut se révéler être un exercice philosophique répondant aux quatre grands désirs qui animent l’être humain :

  1. Désir d’être vivant
  2. Désir d’être conscient
  3. Désir d’être libre et d’infini
  4. Désir d’aimer et d’être aimé.

Quatre désirs qui n’en sont qu’un : désir et soif d’un Réel souverain qui serait Source de Vie, de Conscience, de Liberté, d’Amour.
 

3. Quelle forme de méditation choisir ?

Quelle que soit la méditation pratiquée, il faut qu’elle ait  un cœur, qu’elle nous rende plus patient, plus respectueux, plus enclin à la compassion.  Choisir notre méditation dépend de si nous sommes plutôt enclin à l’écoute de notre corps (instinct, sensation), de notre mental (raison, intelligence), de notre intuition (prémonition) et/ou de nos sentiments (émotion, affectivités).  L’harmonie globale d’un être humain est brisée lorsqu’une des fonctions est développée au détriment des autres. L’important est de pratiquer entièrement et de ne pas oublier que le but de cette pratique est de nous relier à la Source de notre santé (ki), de notre lucidité (conscience), de notre dignité (liberté), de notre bonheur (capacité à aimer).
Les 4 assises :

  • L’assise dans la vie et le corps que nous sommes : le hara, la posture
  • L’assise dans la conscience que nous sommes : l’attention, la vigilance
  • L’assise dans l’espace que nous sommes : l’écoute, la disponibilité
  • L’assise dans le cœur que nous sommes : bienveillance, compassion

 

4. L’assise dans le corps que nous sommes

Le corps, c’est ce que la Vie nous montre d’elle-même tout en demeurant cachée.  Dire de quelqu’un qu’il n’est pas dans son assiette n’indique pas seulement une attitude de son corps physique, mais de toute sa personne avec sa façon d’être.  L’assiette, c’est le bassin.  Un homme qui n’est pas dans son bassin, n’est pas dans son centre, son hara.  Pour les Japonais, que ce soit dans l’assise, la marche ou n’importe quel acte quotidien, l’essentiel est de demeurer dans le centre vital (hara).
L’exercice du hara est un exercice à la fois physique et philosophique.  Il replace l’être humain dans le mouvement de la Vie qui se donne et le conduit vers une transparence sans cesse en devenir vers son Être essentiel, le Réel souverain.  Il faudrait le pratiquer au moins une ½ heure par jour en restant assis, heureux et tranquille dans la posture adéquate.
La posture de méditation traditionnelle du zen proposée par Dogen :

  • Choisir un endroit pour s’exercer et placer un coussin sur lequel s’asseoir
  • Porter des vêtements confortables
  • Prendre la position demi-lotus : poser le pied gauche sur la cuisse droite ou du lotus complet : placer le pied gauche sur la cuisse droite et puis mettre le pied droit sur la cuisse gauche et l’y laisser poser
  • Poser la main droite sur la jambe gauche et l’y laisser reposer et placer la main gauche sur la paume de la main droite et l’y laisser reposer
  • Faire se toucher l’extrémité des pouces
  • Se tenir droit et conserver une position assise très stricte
  • Placer la langue de sorte qu’elle touche le palais. Fermer les lèvres.
  • Maintenir les yeux mi-clos
  • Inspirer et expirer doucement par le nez

 

5. L’assise dans la conscience que nous sommes

Krisnamurti insiste sur l’assise silencieuse de l’esprit, à travers l’attention et l’observation de ce qui est, ce qui est étant la totalité de ce qui arrive à l’intérieur comme à l’extérieur de tout acte conscient.  Avant de pouvoir entrer dans l’assise de la conscience, il faut la libérer du connu, càd du passé, des mémoires qui constituent notre moi.  Méditer, c’est se vider du contenu.  Un esprit silencieux qui cesse de se projeter dans le futur ou le passé permet à l’éternelle présence, au Réel souverain de se manifester.
 

6. L’assise dans l’espace que nous sommes

Quand l’ouverture est devenue notre être, il n’y a plus de dualité.  Toutes les « choses différentes » expriment la beauté de l’Unique.
Pour demeurer dans cet « ouvert », le plus simple est d’admirer et d’aimer.  Il n’y a pas de technique, mais une écoute.  Cette écoute est aussi un abandon, une confiance.  « Pas d’attachement au calme », c’est cela le calme.  Pas d’attachement à un état de conscience particulier, c’est cela la Conscience.  Le bonheur ne se trouve pas avec effort et volonté mais dans la détente et l’abandon.
Jean Klein propose un exercice à partir du cerveau :
« L’usine à produire les pensées se trouve dans le cerveau, aussi, je pense que nous devons parvenir à détendre le cerveau, le gauche et le droit. Quand nous sommes à l’écoute du cerveau, il se produit un très profond lâcher-prise dans notre organisme.  Nous percevons les cerveaux comme des éponges, s’ouvrant et se fermant, se fermant et s’ouvrant, une constante vibration.  Quand vous atteignez un état de détente absolue, ce mouvement est bien plus subtil, une légère fermeture et une légère ouverture.  Grâce à la visualisation, vous pouvez relier votre cerveau au cerveau archaïque de votre nuque. Quand vous serez dans la région du cerveau archaïque, vous percevez une certaine énergie non orientée, une pulsion qui ne se traduit pas par des pensées et des désirs particuliers.  Pendant un certain temps, vous demeurer avec cette pulsation d’énergie ou les pensées les désirs n’ont aucune chance d’aller frapper le cerveau. Là, il y a aussi l’abandon de cette énergie non orientée, et vous vous trouvez dans la région du cœur, dans le centre. Dans le centre, vous êtes libre de l’espace et du temps. »
 

7. L’assise dans le coeur que nous sommes

L’assise dans le cœur est particulièrement présente chez les Tibétains dans la pratique de tonglen (« prendre et donner »).  L’assise du cœur récapitule toutes les autres assises.
« Tout d’abord, laissons notre esprit se détendre complètement et s’établir dans un état de repos total, sans nous arrêter sur aucune sensation ou perception de nous-mêmes et de ce qui nous entoure… Peu, nous prenons conscience du mouvement de notre respiration. Laissons ce mouvement se faire naturellement,. Imaginons que, à chaque expiration, les mérites et les vertus, que nous avons accumulé depuis la nuit des temps et qui sont la cause de notre bonheur présent, sortent de notre corps avec l’air que nous expirons et se dissolvent dans tous les êtres de tous les mondes.  Ces métrites et ces vertus ont la capacité de faire disparaître toutes les souffrances, toutes les maladies et tous les obstacles, de la même manière que le soleil dissipe le brouillard lorsqu’il commence à briller.  Tous ces êtres ressentent alors un sentiment de grand soulagement et de grande joie.  Nous imaginons ensuite que , au moment de l’inspiration, toutes les difficultés, les maux et les souffrances de tous les êtres sont absorbés en nous et se dissolvent dans notre cœur et qu’ainsi ces derniers en sont définitivement délivrés.  Nous nous réjouissons à l’idée de les savoir libérés de leur souffrances et établis dans le  bonheur pour toujours.  Au terme de cette méditation, établissons-nous dans un état de vacuité où nous dépassons notre peur d’être contaminés par la souffrance des autres.  Notre vœu d’agir pour le bien de tous les êtres doit être complément désintéressée et inconditionnel. 
Le père Séraphim disait : « Tu dois apprendre à méditer comme un oiseau.  Quand tu es heureux, presque sans t’en rentre compte, tu chantonnes, tu murmures quelquefois des mots sans signification, et ce murmure fait  vibrer tout ton corps de joie simple et sereine. »
Le père Séraphim avait proposé à Jean-Yves Leloup de répéter, de murmurer et de chantonner ce qui est dans le cœur de tous les moines de l’Athos,  « Kyrie Eleison » (mon seigneur est mon Dieu).  Une idée qui plaisait peu à Jean-Yves Leloup et qui pourtant, peu de temps après, l’a fait plonger peu à peu dans un climat d’intense respect pour tout ce qui existe, mais aussi d’adoration pour ce qui se teint caché à la racine de toutes les existences.
Méditer, c’est d’abord entrer dans la méditation et la louange de l’Univers.  Il y a quelque chose de plus que l’univers et qui pourtant ne peut être saisi en dehors de l’univers.  La différence entre Dieu et la Nature est la même que celle qu’il y a entre le bleu du ciel et le bleu d’un regard.  Le cœur sait cela.  Le cœur c’est l’organe de la relation qui permet de passer du monde des objets au monde des présences. La Vie n’est plus seulement une énergie anonyme, c’est une Présence.
 

8. Le bonheur est dans la marche

  1. Marche doucement sur la terre, elle est sacrée !

Marcher comme un touriste, c’est marcher sur l’écorce de la terre.  Marcher comme un randonneur, c’est en connaître la sève, l’énergie.  Marcher comme un pèlerin, c’est marcher proche du Souffle qui est dans la sève.

  1. Est-ce que ton chemin à un cœur ?

Tu peux marcher sans carte et sans guide, mais ne marche pas sans boussole.  Avoir une boussole, c’est avoir un centre et avoir un cœur.  Avoir un cœur, c’est être centré.  Ne confondons boussole et girouette.  La girouette indique où va le vent mais ne donne pas la direction à prendre.  Se tenir proche de notre désir profond, c’est tenir proche de son propre chemin. « Mieux vaut mourir dans sa propre loi que sous la loi d’autrui. » nous enseigne la Bhagavad-Gîtâ.

  1. Marcher, lâcher prise

Quand on a une longue marche à faire, il vaut mieux ne pas avoir trop de bagages.  La marche nous apprend à vivre léger, matériellement et psychologiquement.  Celui qui marche, qui va de l’avant, doit laisser un certains concepts, certaines croyances et avancer du connu vers l’inconnu.  La marche nous apprend que le Dieu que l’on avait n’est plus le même aujourd’hui.  La Bible est ce grand livre où l’on vient se recharger en images.  Elles peuvent donner du sens, structurer notre inconscient et de nouveau aimanter notre boussole vers ce que cherche notre désir. 

  1. Quel regard au retour ?

Deux marcheurs arrivés au même sommet d’une montagne reviennent avec deux expériences différentes.   De nos chemins escarpés, nous pouvons rapporter différentes sagesses qui sont différents regards.

  1. Soyez passant !

Nous sommes des êtres de passage.  Tout passe.  C’est une vérité qui doit nous apprendre à mieux goûter chaque instant, à nous alléger.  Il n’y a pas de douleur éternelle… cela aussi passera ! La marche nous vide de notre petit moi, elle l’épuise pour laisser place à un autre moi qui lavé par le chemin peut se poser et se reposer.

  1. En marche !

La marche nous invite à mettre en marche ce qu’il y a de meilleur en nous.  Chacun de nous est un chemin.  La seule chose qui nous est demandée et que demande la Vie en nous, c’est de produire nos propres fruits, les fruits de notre propre sève, le chant de notre propre cœur, la marche de notre propre vie.
 
 

PARTIE II : LE PASSANT

 
L’auteur présente des textes essentiels qu’il a lu ou écrit, des commentaires qui lui ont ouverts des voies et qui ont fait de lui un passant.

1. En marche

« Va vers toi-même » dit YHWH à Abraham.  Les grands mythes présentent les voies de guérison comme des chemins où les symptômes douloureux ne doivent être considérés que comme des étapes, des haltes où l’esprit est cloué à la réflexion.  Le malheur c’ »est de s’arrêter, de s’identifier à une situation donnée, de se confondre avec les symptômes.  Le bonheur et la santé sont dans la marche. « En marche ! » est une invitation à larguer les amarres, à être sans attache avec ce qui fait notre peine, à ne nous arrêter ni dans nos rires ni dans nos larmes.
 

2. L’évangile de Thomas

« Jésus disait :
Que celui qui cherche soit toujours en quête jusqu’à ce qu’il trouve,
Et quand il aura trouvé, il sera dans le trouble,
Ayant été troublé, il s’émerveillera, il régnera sur le Tout. »
Ce logion décrit les étapes principales d’un véritable itinéraire initiatique.

  1. Chercher : la vérité se cache pour être trouvée. Dieu se cache. Retrouvons le désir du jeu et le goût de la quête pour le chercher.
  2. Trouver : le mouvement de la quête, c’est de s’ouvrir davantage à ce qui est déjà présent mais que nous ne connaissons pas assez. Chercher-trouver, c’est s’ouvrir davantage à Ce qui nous est donné.
  3. Être troublé : la relativisation de nos modes de connaissance habituels ne va pas sans trouble et sans bouleversement.
  4. Être émerveillé : Il n’y a que les imbéciles qui ne s’émerveillent pas disait Einstein. Seuls les imbéciles croient savoir et arrêtent leur quête.
  5. Régner sur le tout : la vie qui coule dans les veines de l’enfant n’est pas étrangère à la sève qui fait grandir les arbres.
  6. Se reposer : après le temps du travail, il faut prendre le temps de l’être, de vivre la non-dualité, la paix, le repos.

 

3. Pyrrhon, le philosophe en chemin

Pyrrhon est le fondateur de l’école philosophique des sceptiques.  Il ne doute de rien, s’étonne de tout.  Ce qui est est, et ce qui n’est pas n’est pas.  Rien ne sert de parler ou se taire, il n’y a pas de différence. Il trouve le chant de l’oiseau aussi beau que son silence.  Il garde son esprit et son cœur dans l’ouverture d’une non-saisie, d’une non-discrimination.
Comme ce pèlerin que rencontre un jour Maître Eckart : « Pourquoi es-tu si heureux, pourquoi vis-tu ? ».  «Je vis parce que je vis, y a-t-il donc autre chose à faire que de vivre un instant après instant, être vivant ? »
 

4. L’ « eros grégorien » ou le désir de marcher

Grégoire de Nysse naquit en Cappadoce vers 331.  Philosophe et frère de Basile, génie d’organisation et fondateur de la vie monastique.
« La toile d’araignée a, en apparence, de la consistance, mais si on n’y pose la main, elle se défait et s’évanouit. Ainsi la vie de l’homme impliqué dans les soucis futiles comme des fils suspendu en l’air tisse vainement sa toile inconsistante. Qu’on la touche d’un raisonnement ferme, le vin souci échappe à la prison et s’évanoui. Tout ce qu’on poursuit dans cette vie n’a ainsi d’existence que dans l’opinion et non dans la réalité : l’honneur, la dignité, la gloire, la fortune et tout ce à quoi s’applique les araignées de la vie… Ce qui monte vers les hauteurs échappe d’un coup d’ailes aux trames des araignées du monde, mais ceux qui, comme des mouches, sont lourds et sans énergie reste collé aux glus de la vie, sont pris et liés comme par des filets, par les honneurs, les plaisirs, les louanges et les désirs multiples et ils deviennent ainsi la proie de la bête qui cherche à les prendre. »  Grégoire compare cette vie mondaine à un songe, à une sorte d’envoûtement qui nous fait prendre réel ce qui ne l’est pas. Vanité des vanités, tout est vanité… Il s’agit de dépasser l’intelligible et d’entrer dans la Réalité spirituelle et de toujours demeurer en quête.  Le progrès est dépassement perpétuel.
 

5. Lectio divina, la méditation comme une échelle

La méditation pour Philon d’Alexandrie est une échelle qui prend son point d’appui dans la contemplation de la nature et des écritures. Apprendre à déchiffrer les écritures, c’est se rendre capable de déchiffrer le réel. La clé des écritures c’est aussi la clé des songes, puisque les unes et les autres parlent le langage de l’inconscient et des archétypes.
Donnons un exemple de cette ascension et de cette descente en proposant une méthode de méditation, la fameuse échelle des moines, qui peut s’exercer aussi bien dans l’assise que dans la marche. Elle peut donner à l’une comme à l’autre sa verticalité et sa profondeur.  Les 7 barreaux de cette échelle peuvent être considérés comme les 7 dons du Saint-Esprit, dons de l’effort de la grâce, selon que l’on se  considère sur une voie ascendante ou descendante.

  1. Lectio : lire un passage de l’écriture en profondeur.
  2. Cogitatio : comprendre ce que l’on lit
  3. Ruminatio : se remémorer tout au long de la journée la parole lue
  4. Meditatio : méditer la réalité évoquée par le texte choisi
  5. Oratio : l’oraison est une méditation qui a un cœur
  6. Contemplatio : être dans le temple, dans le cœur de Dieu
  7. Unio : être dans cet état au -delà de tout état

 

6. L’échelle du nom

Dans la tradition chrétienne orthodoxe, le Nom de Yeshoua, que ce soit dans l’assise ou dans la marche, est ce qui donne sens et verticalité à la demeure et au chemin. Le nom de Yeshoua est l’échelle que le méditant et le pèlerin doivent parcourir pour unir en eux la Terre et le Ciel, la matière et l’esprit, le monde et le royaume, l’humain et le divin.  Se remémorer Son Nom «  en tout et en tout lieu nous rappelle qu’Il est là.

  1. Lectio : lire le nom Yeshoua qui veut dire YHWH sauve
  2. Cogitatio : comprendre qui il est et créer une intimité avec le Nom
  3. Ruminatio : se remémorer son Nom le long de la journée
  4. Meditatio : méditer et respirer le Nom de Yeshoua
  5. Oratio : cela peut prendre une connotation affective
  6. Contemplatio : Yeshoua devient une source de Vie à laisser vivre et jaillir de l’intérieur
  7. Unio : l’Être se révèle dans le Nom dans un abîme de communion

 

7. Maître Eckhart, un itinéraire de libération intérieure

Maître Eckart propose plutôt un itinéraire de libération intérieure : laisser être, vivre sans pourquoi, réaliser le vide, être Fils.

  1. Laisser être. L’attachement est le premier obstacle sur le chemin vers notre essentielle liberté. « La Grâce, c’est de s’oublier » disait Bernanos ?  Maître Eckhart nous invite à lâcher prise, à laisser être ce qui est tel que cela est.
  2. Vivre sans pourquoi. Nos raisons des vivre trouvent leur origine dans les aventures et mésaventures de l’égo. Le monde est tout entier suspendu à un acte de liberté essentielle dont nul n’a jamais percé le mystère. Vivre sans pourquoi, c’est faire un avec le l’existence même.
  3. Réaliser le vide. Laisser être et vivre sans pourquoi nous conduit à la réalisation du vide. Les créatures n’ont d’existence indépendante que subjective.  Réaliser l’objectivité foudroyante de notre néant permet à l’homme de se libérer de l’illusion.
  4. Etre fils. Dans ce vide cela nous conduit à être fils, car c’est dans ce vide que le Père engendre Celui qui est Amour, Liberté essentielle.

 

8. Ange, noùs, syndérèse : notre étoile

« Mon ange marchera devant toi. »  Quelle est cette ange, cette étoile qui guide nos pas ? L’évangile de Marie l’appelait noùs. Il s’agit de cette lumière incréée au-delà des facultés ordinaires d’analyse et de cognition qui fait le lien en nous entre le Réel souverain et les réalités quotidiennes. L’étoile serait une intériorisation de l’ange ? Signe d’une réelle expérience, d’une participation à un monde de connaissance suprarationel qui éclaire nos pas, les guide, les précède.
 
 
 

PARTIE III : LE PELERINAGE

 

1. Qu’est-ce qu’un pèlerin ?

Le pèlerin marche sans cesse vers lui-même, vers « plus moi que moi-même et tout autre que moi-même.  Le pèlerin n’est pas parfait, il est perfectible, c’est pour cela qu’il marche.  Il faut tant de chaos pour faire une étoile…
 

2. Quel pèlerinage ?

Le pèlerinage de la vie humaine tourne autour de son axe, qu’il soit symbolisé par la Ka’aba, le mon Moriah, le temple de Jérusalem : à chaque pas, comme à chaque tour, on est censé se rapprocher du Centre ou de la Source.  Le pèlerinage atteint son but quand il nous fait entrer dans le mouvement de la Vie qui se donne.  Le pèlerin est alors « celui qui marche » : le moteur immobile, qui fait tourner la terre, le cœur humain et les étoiles.
 

3. La voie du pèlerin

Parmi tous les récits de pèlerinage, les Récits d’un pèlerin russe est l’un des plus touchants.  Paru en 1884 d’un auteur anonyme, on devine un véritable enseignement transmettant de façon simple la tradition hésychaste.
« J’ai entendu beaucoup d’excellents Sermon sur la prière ils étaient tous des instructions sur la prière en général : ce qui est la prière, pourquoi il est nécessaire de prier, quelles sont les fruits de la prière. Mais comment arriver à prier véritablement ? Là-dessus on ne me disait rien. J’entendis un sermon sur la prière en esprit et sur la prière perpétuel : mais on ne m’indiquez pas comment parvenir à cette prière… Et si la fréquentation des Sermon ne m’avait pas donné ce que je désirais. Je sais c’est donc d’aller au prêche et j’ai décidé de chercher avec l’aide de dieu un homme savant expérimenté qui m’expliquerai ce mystère puisque c’était là que mon esprit était invinciblement attiré. »
Viens un moment dans notre vie où nous ne pouvons plus nous contenter d’idées générales.  Nous avons besoin d’être guidés concrètement, suivi dans le déroulement de nos expériences. Le pèlerin russe va chercher un guide, un père spirituel qu’il rencontrera à la fin du XIXe siècle.  Ce guide l’initie à l’art de l’art de la prière : la philocalie. Philocalie veut dire littéralement amour de la beauté. La prière est l’art par lequel on s’unit à l’ultime beauté dans la nature, les cœurs ou les visages sont les vrais reflets. Prier, c’est aller du reflet à la lumière ou revenir de la lumière en la vénérant dans ses reflets.  À vivre ainsi par la prière dans la proximité de Dieu, on finit par Lui ressembler : on devient ce qu’on aime.
 

4. Tout voyage est un climat à traverser

La réalité, c’est la conscience dans laquelle nous vivons et dans laquelle nous sommes, notre climat.  Le climat change sans cesse, seul demeure la conscience, témoin de ces changements.  Le voyages n’a d’autre fonction que la recherche de son moi profond, de sa paix intérieure, de son équilibre, de son centre. Voyager c’est quitter justement le climat mondain et artificiel pour rentrer dans un climat plus naturel, plus proche du Réel souverain du royaume de la vie. L’intérêt et la qualité de mon voyage dépendent de l’assise de mon attention. Celui qui est dans cette assise en allant au fond de son jardin a découvert la foule et le désert du monde.
 

5. Le promeneur magnifique

« Si tu veux vivre heureux et longtemps, renonce à tout, mais ne renonce jamais à la promenade. » Un promeneur qui avait bientôt cent ans racontait :  « Lorsque j’ai perdu mon premier enfant, j’ai dû marcher longtemps mais lorsque je me suis arrêté, où était-ce ? Cela n’avait aucune importance, ma tête, mon corps était vidé de leur douleur, de leur colère surtout. La fin d’une promenade, c’est comme la fin d’un amour ou d’une haine, on se souvient que tout cela est passé, c’est à plusieurs jours de marche et on ne retournera jamais en arrière. Mon enfant mort, au départ, était comme un lourd boulet qui m’empêchait d’avancer. Mais en marchant il est devenu une étoile qui guide mes pas et me conduit vers des terres inconnues, il n’est plus derrière moi, il me précède, il m’attend, là, au bout de ma promenade…
Les choses sont simplement ce qu’elles sont. Toute la douleur vient de s’attendre à ce que la vie soit autrement. Comme je ne m’attends à rien, je ne suis jamais déçu, mais toujours surpris. S’il marche vers le printemps, l’arbre quitte sans regret ses feuilles mortes. On marche toujours vers une autre saison. Ce qui nous rend malade, c’est de perdre l’esprit de promenade.
 
 

Laurence de Vestel – ©Oltome.com2010

« L’assise et la marche », un livre remarquable ! Jean-Yves Leloup nous invite à « Assieds-toi et va » ! Deux paroles à tenir ensemble si nous voulons éviter les impasses de l’enfermement et de la dispersion. « Va » pour ne pas s’enfermer ni s’arrêter à ce qui nous fascine ou nous aliène. « Assieds-toi » pour ne pas se disperser ni se perdre dans nos élans ou nos désirs. En effet, ces 2 pratiques complémentaires sont à pratiquer face à l’existence. Il existe une demeure, une assise, de laquelle nous nous serions éloignés, exilés ou chassés, ou que nous aurions oubliée. Et il existe un chemin, une marche, le retour vers cette demeure.   Avec les étapes, les épreuves, les rencontres que cela suppose. « L’assise et la marche » donne de l’élan !

Oltome - Jean-Yves Leloup biographie Jean-Yves Leloup est français et né à Angers en 1950.  Il est écrivain, théologien et prêtre orthodoxe, philosophe. Il a fondé l’Institut pour la rencontre et l’étude des civilisations et du Collège international des thérapeutes.  Il a publié de nombreux ouvrages chez Albin Michel.   « Un obscur et lumineux silence, la Théologie mystique de Denys l’Aréopagite », «L’assise et la marche », « Écrits sur l’hésychasme », « Paroles du mont Athos », « l’Enracinement et l’ouverture », « Manque et plénitude », « Prendre soin de l’Être », « l‘Absurde et la Grâce », « Un art de l’attention » etc. Athée dans sa jeunesse, il s'est convertit à Istanbul au christianisme oriental.   Suite à une expérience le laissant pour cliniquement mort. Plus tard, il recherche ses racines occidentales.  Il devient moine dominicain catholique à la Sainte-Baume. Au sein de cet ordre, Jean-Yves Leloup a pu  se consacrer à une quête intellectuelle rigoureuse qu'il met au service de sa foi. Il s’intéresse notamment à Maître Eckhart. Après quinze ans de vie monastique catholique, Jean Yves Leloup a décidé de se marier et devenir père. Il revient à l’orthodoxie qu’il considère comme le patrimoine commun des Églises.  Il a donné des traductions et des interprétations innovantes de l’évangile, des Épitres et de l’apocalypse de Jean, ainsi que des évangiles considérés comme apocryphes (Philippe, Marie, Thomas).
Elephant Oltome

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