"Si vous possédez une bibliothèque et un jardin, vous avez tout ce qu'il vous faut." Ciceron

La danse de la réalité

Synthèse & résumé À propos du livre Biographie de l'auteur

Résumé du livre « La danse de la réalité » d’Alexandro Jodorowsky

Dans chaque acte, le bien et le mal dansent comme un couple d’amants.

« Enfance et années sombres »

Alexandro Jodorowsky est né en 1929 au Chili. Son professeur s’appelait Toro. Frappante similitude : Toro et Tarot. Mr Toro demanda à Alexandro de battre un jeu de cartes et d’en disposer quelques unes pour former un mot. Le premier mot fut « OJO » (œil)… Mr Toro fit remarquer à Alexandro qu’il avait un œil d’or au milieu de son nom : Alejandr OJO D ORO wsky. De ce moment, Alexandro prit conscience qu’il ne serait jamais comme les autres. Cet instant le sépara du monde.
Alexandro est élevé par un père dont le modèle est Joseph Staline et une mère fascinée par le charisme de son mari. Il se vit abandonné, incompris avec ses amis les livres et dans une ville perdue d’une incroyable richesse culturelle. Devant ce monde cruel, Alexandro, choisit plutôt que de devenir un assassin de rêves, de s’enfermer dans sa pensée devenue sa forteresse. Il laisse le Rebe venir lui parler et devenir son meilleur ami.
« Les couples ne rencontrent pas par hasard. Une conscience surhumaine les unit selon des desseins obstinés. Pense aux étranges coïncidences qui font que tu viennes au monde… Tes parents sont des enfants abandonnés, cherchant perpétuellement l’amour inexistant de leurs parents. Ce qu’on leur a fait subir, ils te le feront subir. A moins que tu ne te rebelles, tu devras faire la même chose à tes enfants. Les souffrances familiales sont comme les maillons d’une chaîne qui se répètent de génération en génération jusqu’à ce qu’un descendant en prenne conscience et transforme sa malédiction en bénédiction. »   A dix ans, Alexandro comprend que sa famille est un piège dont il devait se libérer ou mourir. « Tu n’es pas venu réaliser le plan personnel d’adultes t’imposant des objectifs qui ne sont pas les tiens, le principal bonheur que t’autorise la vie est de te permettre de t’atteindre toi-même. » La seule vraie force sur laquelle on peut compter est la sienne, même si elle est toute petite : mieux vaut une vérité infime qu’un énorme mensonge. Cesser de s’abuser soi-même en essayant de reproduire à chaque instant ce qui nous a traumatisé, cesser d’entrer en relation avec les personnes qui nous font revivre les traumatismes de nos enfances.

« Premiers actes – Acte poétique »

Alexandro s’initie à la méditation et à d’autres pratiques afin de s’aider. Il comprend que la « réalité » n’est qu’une construction mentale et qu’il peut changer la sensation qu’il a de lui-même : « Je décidai de modifier ma sensation du temps en éliminant l’idée de la mort… », « Peu à peu, je compris que l’être que je percevais n’était pas exactement l’être que j’étais. La conscience qui percevait n’était pas exactement ma conscience mais une déformation de celle-ci produite par ma famille et mon éducation. Je me percevais tel que mes parents et professeurs m’avait perçu… ». « … puis lavant mon corps des regards cruels pour lui donner la beauté qu’il méritait, je laissais tomber les complexes de laideur comme s’ils étaient des haillons, je me mis à danser en permettant à mon corps de faire des mouvements élégants, délicats. Je sentis que cette beauté formelle m’inondait l’âme. Quelque chose s’ouvrit dans ma conscience et je me rendis compte que cette beauté assumée était comme une fleur répandant son parfum sur le monde ». Jodorowsky décida alors que sa dépression n’était pas la sienne, qu’il n’était pas vaincu et que rien ne l’empêcherait de faire ce qu’il voulait. « L’image que nous avons de l’autre est une représentation. Le monde que nous imposent les sens dépend de notre façon de le voir. L’autre est ce que nous pensons qu’il est. » 
 L’élève montre son poème au maître : «  Un papillon : je lui ôte les ailes. J’obtiens un piment ! »   Le maître répond : « Non. Un piment : je lui ajoute des ailes. J’obtiens un papillon ! » L’acte poétique doit toujours être positif et chercher la construction non la destruction.

« Le théâtre comme religion »

« L’enfant ne meurt jamais. Chaque être s’il n’a pas fait son travail spirituel, est un enfant déguisé en adulte. C’est merveilleux d’être un enfant quand on est un enfant, et terrible qu’à cet âge on nous oblige à être adulte. C’est aussi terrible d’être un enfant quand on est adulte. Mûrir, c’est mettre l’enfant à sa place, le laisser vivre en nous non pas comme un maître mais comme un disciple.»
Au fil du temps, Alexandro constate que toutes les maladies, même les plus cruelles, sont une forme de spectacle. A la base, il y a une forme de protestation contre un manque d’amour et l’interdiction de tout mot ou de tout geste démontrant cette absence. Le non dit, le secret peut en arriver à fomenter une maladie. L’âme enfantine étouffée par l’interdiction élimine les défenses organiques pour permettre l’entrée du mal qui lui donnera l’opportunité d’exprimer sa désolation. La maladie est une métaphore, elle est la protestation d’un enfant devenue représentation. Mais tout acte extraordinaire est capable d’abattre les murs de la raison : il agit comme un miroir. « Le monde est tel que je pense qu’il est. Mes malheurs viennent de ma vision tordue. Si je veux guérir, ce n’est pas le monde que je dois essayer de changer mais l’opinion que j’ai de lui ». Les maladies sont celles de celui que nous croyons être. On atteint la santé en venant à bout des interdits, en quittant les chemins qui ne nous appartiennent pas, en cessant de poursuivre des idéaux imposés jusqu’à parvenir à être soi-même.

Parmi les dix commandements devant un seul je m’incline : être aussi libre que le vent en gardant ma racine.

Les miracles sont comme les pierres : partout sans que personne ne leur accorde de valeur. Nous vivons dans une réalité où foisonnent les prodiges qui ne peuvent être vus que par ceux qui savent les voir. Sinon on donne à l’événement merveilleux le nom de hasard, on avance dans le monde sans cette clé qu’est la gratitude, et lorsque survient l’extraordinaire, on en tire l’usufruit sans rien donner en échange. Le mirage exige un échange : ce qui est donné doit être partagé avec les autres.   Si on n‘est pas uni, on ne saisit pas le prodige. Les miracles, personne ne les fait ou ne les provoque, il faut les découvrir. Quand celui qui se croyait aveugle enlève ses lunettes noires, il voit la lumière !
Un jour Alexandro joue avec un chien. Il s’amuse à lancer une pierre à un chien qui la lui ramène plus d’une vingtaine de fois. Un moment, le chien ne renvient pas rejouer et Alexandro reste seul avec la pierre… « Elle avait rêvé de parler et j’étais là. Que voulait-elle me dire ? Je reçus dans l’esprit quelque chose que je ne peux comparer qu’à un coup de massue ! Elle allait durer plus que moi ! Je compris avec une lucidité hallucinante que j’étais mortel. Je jetai au loin la pierre comme si c’était une sorcière : elle m’avait infecté une angoisse qui durerait toute la courte vie qu’un hasard indifférent m’avait accordée. » Cette révélation amena Alexandro à vouloir apprendre à mourir heureux. Il rassembla l’argent nécessaire pour acheter un billet sur un bateau, l’Andra Doria, à destination de la France. Il se débarrassa de toutes ses possessions, y compris son précieux carnet d’adresse. Un acte qui marquait « son suicide », sa manière de disparaitre, de cesser d’être une créature née de racines douloureuses pour parvenir à être ce qu’il voulait et non ce que sa famille, la société ou son pays lui imposaient. Il quitte le Chili le 3 mars 1953 à l’âge de 24 ans et arrive en France avec 100 dollars, sans connaître un mot de français, et sans adresses…
« J’ai choisi un nom de quinze lettres parce qu’au tarot c’est le numéro de la carte du diable. Un puissant symbole de créativité. Le diable est le premier acteur du drame cosmique : il imite les dieux. Nous autres, acteurs, ne sommes pas des dieux mais des diables. »
Sur son chemin, il se lance dans le théâtre et en fait un instrument de connaissance de soi. L’acteur devait se fondre totalement dans le personnage, se mentir à lui-même et aux autres avec une telle maîtrise qu’il parvenait à égarer sa personne pour devenir autre. Dans l’éphémère, l’agissant devait éliminer le personnage pour essayer d’être la personne qu’il représentait. Dans la vie quotidienne, les citoyens « normaux » marchent déguisés en personnage inculqué par la famille, la société. La mission du théâtre était que la personne se dépossède de ses personnages pour se rapprocher le plus possible d’elle-même afin de se comporter comme un être authentique dans la comédie de l’existence.. L’acte éphémère conduisait à la totalité, à la libération des forces supérieures, dans la joie et la grâce. « La réalité que tu crois tienne, ton égo, n’est qu’une pâle copie de ton être essentiel. Tu t’identifies à ce double aussi dérisoire qu’illusoire et brusquement apparaît l’authentique… Le maître des lieux revient rependre la place qui est la tienne. A ce moment, ton moi limité se sent en danger de mort, ce qui est vrai. Car l’être authentique finira par dissoudre le double… »

« Le rêve sans fin »

Nous recevons le rêve dans le but de le faire agir dans le monde rationnel. Ce sont des symboles. Au-delà de l’interprétation rationnelle, il existe le rêve lucide, celui dont nous savons que nous sommes en train de le rêver. Cette connaissance nous donne la possibilité de travailler sur le contenu du rêve mais également sur notre mystérieuse identité. « Au début de mes rêves lucides, je me demandais « Suis-je réveillé ou en train de rêver ? » Je m’appuyais des deux mains sur l’air et j’imprimais une poussée… Si je montais, c’est que je rêvais. Je m’obligeais non pas à me voir voler mais à me sentir voler et ensuite, je me mettais à travailler dans mon rêve. »
Lorsque nous prenons conscience de la possibilité de rêver lucidement, nous commençons de plus en plus souvent à y penser le jour et à nous y préparer pour la nuit. Le rêveur a de la mémoire : il se souvient de ce qu’il s’est proposé à l’état de veille et il est possible qu’il le réalise. Avec patience, vous pouvez conquérir le monde onirique. Patience et foi. Ces rêves nous montrent à quel niveau de conscience nous sommes arrivés et nous donnent la joie de vivre.
« J’ai d’abord dû vaincre mes cauchemars… Lors d’un cauchemar, je me répétais : ces monstres sont des aspects de moi que je n’ai pas résolus. Ils ne sont pas mes ennemis. Plutôt que de fuir mon ennemi terrifiant, j’ai décidé de m’offrir en sacrifice. La menace s’est estompée. J’ai compris que c’était moi qui alimentais mes terreurs. »
Tout ce qui nous terrorise perd toute sa force dès l’instant où nous cessons de le combattre. Au lieu de fuir, nous devons affronter nos ennemis et leur demander ce qu’ils ont à nous dire. Tout démon est un ange tombé, tout ange est un démon qui s’est élevé. « Après avoir travaillé mes cauchemars, je me donnai la faculté de traverser la matière, les océans déchaînés, le vide,… Je me décidai à affronter des êtres sublimes détenteurs de secrets auxquels je ne pensais pas avoir droit… Je me montrai fort, j’exprimai des vœux, défiais les lions, me transportai à New York,… »
« Je fus alors tenter de réaliser des expériences érotiques. Ceci me permit d’apprendre que lorsque je m’abandonnais au plaisir, le désir prenait possession de moi et faisait que je perdais ma lucidité dès que les événements échappaient à mon contrôle : j’oubliais que j’étais en train de rêver. » Dans le rêve comme dans la vie, il faut rester à distance et contrôler l’identification.
« Je me proposais ensuite d’entrer dans la dimension des morts avec lesquels je pouvais bavarder au travers du rêve lucide, après leur avoir prouvé mes bonnes intentions. Suite à ces expériences, je peux affirmer qu’il existe une dimension où les défunts que nous avons aimés sont vivants, qu’ils continuent à se développer et prennent un immense plaisir à communiquer avec nous… Ma mémoire n’est pas seulement la mienne : elle fait partie de la mémoire cosmique. Et dans un endroit de cette mémoire, les morts continuent à vivre. Dans la dimension des morts, ceux-ci vivent grâce à l’énergie de la mémoire. Ceux que nous oublions errent. Ceux dont nous nous souvenons parlent et il y a en eux une joie reconnaissante. Nous savons que nous vivons dans la mesure où les autres se souviennent de nous. S’ils nous oublient, nous nous sentons mourir. Cela se passe de la même façon dans le monde onirique. Si l’inconscient est collectif et le temps éternel, on pourrait dire que chaque être qui est né et mort est resté gravé dans cette mémoire cosmique que tout individu porte en lui. Chaque mort attend dans la dimension onirique qu’enfin une conscience infinie se souvienne de lui. A la fin des temps, quand notre esprit aura atteint son développement maximum et contiendra la totalité du temps, pas un seul être ne sera oublié. »
Jodorowsky se penche sur l’importance de la dimension des mythes. Les symboles sont des entités vivantes qui parlent et transmettent leur connaissance. Dans le monde onirique, si nous sommes courageux nous pouvons transformer les monstres en anges.
« Pour revenir au rêve lucide, en faisant l’expérience de se jeter dans l’expérience, je cessai de m’accrocher à ma dernière miette de conscience individuelle, je m’intégrai au centre pour devenir le noyau créateur explosant sans cesse, sans interruption, sans silence. Je m’étais identifié à la folle création universelle. Que voulais-je de plus et dans quel but essayais-je de modifier mes rêves ? », « Demeurer conscient pendant le rêve lucide demandait un effort considérable. La leçon que je tirais de ces expériences se situait moins dans le monde extraordinaire que je pouvais créer que dans cette exigence de lucidité. Sans lucidité, rien n’est possible. Dès l’instant où je me laissais emporter par les événements et les émotions qu’ils éveillaient en moi, le rêve perdait de sa limpidité. Ce qui permettait le jeu, de voir la magie, c’était la clarté du témoin. Celui qui se réveille dans le rêve est une conscience dont le rôle est de devenir un témoin impassible. Sans se faire emporter par la vanité : être la divinité et continuer à être moi. En m’ouvrant comme témoin à tous les messages, je fais de mon inconscient mon associé. Rêve et état de veille marchent tellement bien ensemble. Je pouvais me réconcilier avec mon père dans mon rêve pour le lendemain me retrouver avec mon fils et lui faire l’accolade dont j’avais rêvé avec mon père ». 
A ce stade de la connaissance de soi, Jodorowsky se considère comme étant son propre thérapeute, et apte à se préoccuper pleinement des autres.
« Un jour dans un parc, j’aperçus un vieil homme sur lequel était posés des centaines d’oiseaux. En m’approchant de lui, les oiseaux disparurent. Cet homme m’expliquait qu’il communiquait avec les moineaux auxquels il apportait de la nourriture qu’il avait fait lui-même et que les oiseaux venaient à lui jour après jour. Les oiseaux le reconnaissaient et se transmettaient le souvenir de sa personne de génération en génération. Lorsqu’ils viennent, il faut cesser de penser et beaucoup les aimer. Il me dit prenez ma main… les oiseaux vinrent se poser sur nous. Lâchez ma main… les oiseaux s’en allèrent… J’étais stupéfait et compris que pour les oiseaux, quand leur bienfaiteur, pure bonté, nous prenait la main, nous devenions une partie de lui. Je compris la coïncidence surprenante à faire entre cet homme et le rêve lucide : à travers le contact physique pouvait se transmettre l’âme. J’appris à oublier l’idée d’échange, à donner sans espoir d’obtenir. J’appris à aimer l’existence de cette pierre dans mon lieu de recueil sans me préoccuper de savoir si elle était consciente de la mienne. Je la massais. Il ne s’agissait pas de faire de la pierre un être vivant mais d’essayer de le faire. »
Tous les personnages et objets de nos rêves ont quelque chose à nous offrir. Touts les êtres animés ou inanimés que nous voyons dans la vie réelle peuvent nous apprendre quelque chose.
« Peu à peu, je laissai de côté les actes volontaires et obéis de plus en plus à la volonté des rêves. A la fin, je me sentis très bien tel que j’étais dans ce monde onirique : un vieil homme serein, s’abandonnant aux événements en sachant que du moment qu’ils se manifestent, ils sont une fête. »
« Au lieu de nous lamenter parce que des voleurs ont dévalisé votre maison, que mon conjoint m’a quitté, demandez-vous, pourquoi ai-je rêvé qu’on m’a dévalisé ma maison, que mon conjoint m’a quitté. La réalité se présente à nous comme un rêve peuplé d’ombres angoissantes dans lequel nous sommes victimes, à qui tout arrive. Par un effort de conscience, cessons de nous identifier au moi individuel et soyons le témoin impassible de ce qui semble nous arriver par accident. Plus encore, cessons de souffrir de ce qui nous arrive et commençons à souffrir de souffrir de ce qui nous arrive, passons à l’étage qui correspond au rêve lucide et introduisons dans la réalité des événements inattendus qui la fassent évoluer. Le passé n’est pas inamovible, il est possible de le changer, de le dépouiller de l’angoisse, de l’enrichir, de lui donner de la joie. La mémoire a les mêmes qualités que les rêves. Chaque fois que nous nous souvenons, nous recréons, nous donnons une autre interprétation aux événements mémorisés. »
« Si dans le monde onirique nous nous rendons compte que nous rêvons, dans le monde diurne, prisonniers du concept limité que nous avons de nous-mêmes, nous devons jeter les idées préconçues pour nous immerger dans l’essence. Une fois la lucidité obtenue, nous aurons la liberté d’agir sur la réalité en sachant que si nous nous contentons de satisfaire nos désirs égoïstes, nous serons emportés par le tourbillon des émotions, et perdrons la possibilité d’être nous-mêmes agissant au niveau de conscience qui nous correspond. Dans le rêve lucide, on apprend que tout ce qu’on désire avec une véritable intensité, avec foi, se réalise après une patiente attente. Pour obtenir la paix, aussi bien dans le rêve nocturne que dans le rêve diurne, nous devons être de moins en moins impliqués avec le monde et l’image que nous avons de nous-mêmes. La vie et la mort ne sont qu’un jeu. Le jeu suprême consiste à cesser de rêver, c’est à dire, disparaître de cet univers onirique pour intégrer celui qui le rêve. »
 

« Magiciens, maîtres, chamans et charlatans »

Toujours en quête de changer et approfondir sa vision du monde, Jodorowsky se mit à fréquenter assidûment magiciens, maîtres, chamans. Quelques extraits…
« Le début de la libération réside dans la capacité de l’homme à souffrir. La souffrance le pousse à mettre fin à l’oppression au lieu de chercher une liberté dont il ne sait rien. Votre plus grand oppresseur, c’est le moi individuel. Aucun thérapeute ne peut soigner en son nom propre. La médecine indoue dit : le médecin propose des remèdes, Dieu guérit.. » Fromm
« Ne t’inquiète pas du défaut du maître : si tu as besoin de traverser une rivière, peut importe que la barque qui t’emmène sur l’autre rive ne soit pas bien peinte ». Texte tibétain
« Si un jour tu as éprouvé de la compassion, une véritable compassion pour quelqu’un, souviens-toi en. Fais croître cette émotion, aie pitié de tous les animaux, du monde, de toute l’humanité. Voilà. Maintenant, regarde-toi de nouveau dans le miroir, mais avec pitié. Cet être aux multiples facettes obscures, c’est ton pauvre égo. Si tu peux atteindre ce niveau élevé de conscience, c’est grâce à lui, à l’incessante souffrance que fait naître en lui sa quête de l’unité. Plains-le, donne la main à ton égo. Le papillon n’éprouve aucun dégoût pour la chenille qui l’a engendré ». Ejo Takata
Au Mexique, Jodorowsky entre en contact avec la magie populaire. Il rencontre Pachita, une sorcière qui opérait tous les jours de la semaine les pauvres excepté le vendredi, où elle opérait des gens aisés chez un ami de Jodorowsky. Son succès était tel qu’il avait fallu plusieurs fois la faire évacuer par hélicoptère pour la protéger du harcèlement des foules. Cette femme était habitée par l’amour universel, elle avait le don de trouver les mots et le ton juste. Elle était un canal utilisé par Dieu. Elle était capable d’enfoncer un couteau dans la chair de son malade, d’en faire jaillir des flots de sang et de le recoudre aussitôt sans qu’aucune cicatrice soit perceptible. Elle commandait la pluie, détournait des cyclones. Elle avait le don et elle transmit à Jodorowsky son envie de soigner par la magie.

« De la magie à la psychomagie »

« Le chemin se crée à mesure que nous avançons, et chaque pas nous offre mille possibilités. Mais qu’est-ce qui fait ce choix ? Il dépend de la personnalité par laquelle nous avons été formés dans notre enfance. Ce que nous appelons futur est une répétition du passé. Examiner les difficultés d’une personne, c’est entrer dans l’atmosphère psychologique de son milieu familial. Nous sommes marqués par l’univers psycho-mental des nôtres. Le père et la mère projettent sur le bébé attendu tous leurs fantasmes et espèrent le voir réaliser tout qu’ils n’ont pas pu vivre ou obtenir. Ainsi, devons-nous assumer une personnalité qui n’est pas la nôtre. Naître dans une famille c’est pour ainsi dire être possédé. Nous comprendrons différemment les ancêtres que nous considérions odieusement coupables dès lors que notre mentalité change. Après leur avoir pardonné, nous devons les honorer, les remercier, les aimer, voir le bouddha en eux.   La responsabilité est immense. Une quelconque chute entraînerait toute la famille y compris les enfants à venir pendant 3 ou 4 générations. »
Jodorowsky s’évertuait à soigner ces relations malades. Le plus important était de faire suivre la prise de conscience par un acte, un acte psychomagique. Sortir des difficultés implique modifier en profondeur notre relation avec nous-mêmes et avec le passé. Les gens ne veulent plus souffrir mais ils ne sont pas toujours disposés à en payer le prix. L’attitude du confesseur doit être amorale pour que les secrets puissent jaillir à la lumière.
Exemple de psychomagie : (1) Un garçon se plaint de vivre dans les nuages, qu’il n’arrive pas à mettre les pieds dans la réalité ni à avancer dans sa quête d’autonomie financière.   Le garçon du marcher avec deux pièces d’or collées sous ses semelles de manière à descendre de son nuage, mettre les pieds dans la réalité et avancer. (2) Un homme marié et deux enfants souffrent d’éjaculation précoce. Cet homme dut faire l’amour avec sa femme en mettant un chronomètre près de son lit et promettre d’éjaculer en moins de dix secondes. Il manqua son coup et mit plus d’une demi-heure.  (3) Un jeune homme qui n’a pas de père se plaint de n’avoir aucune autorité. Il dut commencer par donner des ordres aux choses qui existent. S’il commençait à pleuvoir, il devait ordonner qu’il se mette à pleuvoir, si son chien se couchait, il devait lui ordonner de se coucher… ainsi il apprit à vaincre sa timidité et s’habituer à commander. (4) Aux personnes qui se plaignaient d’avoir une mère envahissante, elles devaient la traiter comme une idole et du coup la mère se montrait moins. (5) Les femmes enragées par leur ex-mari, devaient coller leur photo sur un ballon de foot et …
L’inconscient tend à réaliser la prédiction. La seule manière de se libérer d’une prédiction obsédante n’est pas essayer de l’oublier mais de la réaliser. « A une personne persuadée qu’une personne très proche d’elle va mourir et que cela lui coûtera beaucoup d’argent, il était conseillé de passer une bombe d’insecticide dans une pièce, de regarder mourir une mouche, de prendre un petit billet et d’y ajouter des zéros, d’y envelopper la mouche et d’enterrer le billet »… La prédiction était réalisée et l’obsession évaporée… Pourquoi, une femme obsédée à l’idée de ne pas avoir d’enfant va tomber naturellement enceinte alors qu’elle vient d’adopter un enfant ?

« De la psychomagie au psychochamanisme »

De nombreux consultants venaient trouver Jodorowsky parce que sans aucun motif apparent ils avaient envie de mourir. Lorsque pour un motif conscient ou inconscient, une mère a voulu éliminer le foetus, ce désir de mort s’est incrusté dans le souvenir intra-utérin du nouvel être et puis pendant sa vie terrestre, et agit comme un ordre. Sans s’en être rendu compte, l’individu se vit comme un intrus. Le plus grand des maux est de ne pas avoir été aimé. Lorsque le guérisseur veut mettre son consultant devant sa blessure originelle, il déploie un large éventail de défenses. « Ca, je le savais ». C’est la surdité psychologique : la personne ne veut rien entendre d’elle-même, elle se justifie, lutte pour avoir raison, s’abandonne à un vice, développe des manies, va vivre loin… Plus le niveau de conscience est grand, plus grande est la chance de se rendre compte de ses mécanismes défensifs, d’être conscient d’être vivant.
En pratiquant la psychomagie, Jodorowsky se spécialise en psycho chamanisme. En opérant, Pachita agissait sur le corps intangible et non sur le cops matériel. Elle ajoutait des « trucs » pour que le patient croie qu’elle opérait son corps physique. De la même manière qu’un état d’âme modifie l’attitude corporelle, une attitude corporelle modifie l’état d’âme. Si ce dont souffre le corps matériel affecte le corps fantôme, ce qu’on fait au corps fantôme affecte le corps matériel. Jodorowsky pratique des « opérations » extrêmement étranges qui entrent dans une dimension psychologique où la notion de temps et d’espace change totalement.
A la base, toute maladie est un manque de conscience imprégné de crainte. Cette conscience a son origine dans un interdit que la victime a dû accepter sans comprendre. Si elle désobéit elle est punie. Le psychochamane doit opérer en éludant non seulement les défenses du patient mais aussi ses craintes. Notre peau est notre barrière. Or, le monde n’est jamais que ce que nous pensons qu’il est. La santé se trouve ici et maintenant. Les mauvaises habitudes peuvent être instantanément abandonnées si nous cessons de nous identifier au passé. Le patient doit sentir son corps et unir toutes les parties en un tout.   L’imagination active est la clé d’une vision ample. Si j’étais une montagne que dirais-je ? Que dirait un grand maître ?
Et si j’étais la mort ? « Cette mort que me révéla un chien en déposant à mes pieds une pierre blanche, laquelle m’a séparé de mon moi illusoire, m’a fait fuir le Chili et poussé à chercher désespérément un sens à la vie. Cette Mort qui d’épouvantable ennemie s’est convertie en mon aimable dame de compagnie ».
Laurence de Vestel, Janvier 2016 – © Oltome.com

« La danse de la réalité » est livre unique à l’image de son auteur.  Je ne connaissais pas Alexandro Jodorowsky quand j’ai lu son livre mais il m’avait déjà fasciné.   Un homme qui a vécu sa vie à fond sans en perdre une miette ! Un homme qui a tout fait, qui est allé au bout de sa rencontre avec lui-même en ayant travaillé sur ses peurs qu’il a perdu les unes après les autres.  Passionnant, un voyage intérieur exceptionnel. Par moment invraisemblable et pourtant vrai et qui a tout son sens… Une profondeur de vivre alliée à une joie de vivre inouïe.  A lire absolument !

La danse de la réalité.

Dans chaque acte, le bien et le mal dansent comme un couple d’amants.

Alexandro Jodorowsky est né en 1929 au Chili. Son professeur s’appelait Toro. Frappante similitude : Toro et Tarot. Mr Toro demanda à Alexandro de battre un jeu de cartes et d’en disposer quelques unes pour former un mot. Le premier mot fut « OJO » (œil)… Mr Toro fit remarquer à Alexandro qu’il avait un œil d’or au milieu de son nom : Alejandr OJO D ORO wsky. De ce moment, Alexandro prit conscience qu’il ne serait jamais comme les autres. Cet instant le sépara du monde.
« Au lieu de nous lamenter parce que des voleurs ont dévalisé votre maison, que mon conjoint m’a quitté, demandez-vous, pourquoi ai-je rêvé qu’on m’a dévalisé ma maison, que mon conjoint m’a quitté. La réalité se présente à nous comme un rêve peuplé d’ombres angoissantes dans lequel nous sommes victimes, à qui tout arrive. Par un effort de conscience, cessons de nous identifier au moi individuel et soyons le témoin impassible de ce qui semble nous arriver par accident. Plus encore, cessons de souffrir de ce qui nous arrive et commençons à souffrir de souffrir de ce qui nous arrive, passons à l’étage qui correspond au rêve lucide et introduisons dans la réalité des événements inattendus qui la fassent évoluer. Le passé n’est pas inamovible, il est possible de le changer, de le dépouiller de l’angoisse, de l’enrichir, de lui donner de la joie. La mémoire a les mêmes qualités que les rêves. Chaque fois que nous nous souvenons, nous recréons, nous donnons une autre interprétation aux événements mémorisés. »

Oltome - Alexandro Jodorowsky - biographie Alejandro JODOROWSKY, dit « Jodo », est né le 7 février 1929 au Chili, à Tocopilla.  Il originaire d’une famille juive de Russie. Il est réalisateur, acteur, romancier, poëte, scénariste, auteur de bandes dessinées, auteur d’une poignée de films ésotériques, surréalistes et provocateurs, et psychomagicien. En 1953, il quitte le Chili pour Paris.  Il a rompu définitivement avec sa famille, sans un sous en poche et sans connaître un mot de français. Dès on arrivée, Alejandro Jodorowsky foisonne d’activités ! Il travaille avec le Marcel Marceau, met en scène Maurice Chevalier.  Il fonde au Mexique le théâtre d’avant-garde.  Il  tourne trois films : Fando et Lis, El Topo et la Montagne sacrée. Dans les années 1980, il anime à Paris une réunion ouverte hebdomadaire intitulée « Le Cabaret mystique ».  Il témoigne de thèmes touchant à l’éveil intérieur comme la pratique du zen, les arts martiaux, la tradition chilienne, l’héritage spirituel de l’humanité, le massage, la « sagesse des blagues », la psychanalyse. Il devient une figure incontournable du tarot divinatoire.  Les univers qu’il développe sont des mondes de sciences fiction ou des mondes fantastiques.  Il est l'auteur de nombreux livres dont vous pourrez retrouver les synthèses sur Oltome : "Le Théâtre de la guérison" (1995) et « La Danse de la réalité » (2001). Son parcours singulier est retracé dans son ouvrage autobiographique « La Danse de la réalité » dont il a fait un film du même nom en 2013 dans lequel la plupart des membres de sa famille sont acteurs.  "Poésie sans fin" est la suite du premier film, tout aussi réussi. https://www.oltome.com/la-danse-de-la-realite-alejandro-jodorowsky/ https://www.oltome.com/psychomagie-de-jodorowsky/
Elephant Oltome

Inscrivez-vous à notre newsletter